RUBIK’S CUBE

Wikipedia : le Rubik’s Cube (ou Cube de Rubik) est un casse-tête inventé par Ernő Rubik en 1974, et qui s’est rapidement répandu sur toute la planète au cours des années 1980.

***

Comme tout enfant né dans les années 60, je me suis pris en pleine face l’invention du Rubik’s Cube. Au lycée, tout le monde avait le sien et exhibait, échangeait et comparait ses talents logiques.

J’étais en section scientifique et l’enjeu était de taille : celui qui réussirait le premier à résoudre le casse-tête gagnerait une grande notoriété ; ou du moins serait fortement considéré pour sa puissance cérébrale. Pas de bol pour moi, mes parents n’étaient pas très aisés – euphémisme – et je dus attendre Noël pour qu’on m’offre le fameux cube – je sais, j’aurais dû dire pour « qu’on m’offrît » mais qui se soucie de ça aujourd’hui. Il faut préciser qu’à l’époque le cube n’était vraiment pas donné, phénomène de mode oblige. En conséquence, sans le précieux Rubik, j’avais l’air d’un con et j’étais exclu par cette bande d’initiés prétentieux – gosses de riches – qui montraient avec aisance la manière dont ils parvenaient à construire deux faces sans problème et échangeaient, entre eux, leurs secrets inaccessibles – pour moi.

Vacances de Noël, enfin je peux jouer avec le précieux artefact et franchement j’ai du mal :

─ Putain c’est dur !

Les vacances s’achèvent trop vite – comme d’habitude – et au-delà de trois faces complétées de cette merde gluante de cube qui pue et que j’ai envie de jeter à la poubelle tellement il me rend fou : RIEN ! Pour les plus jeunes, même si ça peut paraître étonnant, à l’époque, les formules permettant de réaliser le Rubik’s Cube n’étaient pas disponibles sur Internet : pas de vidéos sur Youtube, pas de user’s guide en ligne, en fait pas de web du tout. Alors en vacances, livré à moi-même, je touche le fond. J’ai vraiment l’impression d’être une grosse merde sans cervelle, à peine bonne à jouer aux petits chevaux. Pourtant, je m’acharne, j’y passe des heures, des journées, mais sans grand résultat. Ce qui me rend dingue c’est que le jeu ne permet pas de capitaliser sur ses acquis. On est invariablement obligé de casser les faces qu’on a construites pour parvenir à réaliser les autres.

La veille de la rentrée, comme une bonne excuse pour sécher les cours, je suis pris d’une fièvre violente et je me retrouve cloué au lit, tantôt transpirant, tantôt grelottant. Bref, une bonne vieille grippe.  Dans mes cauchemars le cube pivote et pirouette jusqu’à la nausée ; malgré mon dégoût, je passe tous mes instants lucides à tenter des pistes de résolution du puzzle toutes droit sorties de mon délire fébrile. Mon état ne s’améliore pas vite et ma mère s’inquiète. Je comprends qu’elle a construit un lien causal entre ma fièvre et mon obsession pour le petit casse-tête. Elle n’a peut-être pas tort.

Au cinquième jour de ma convalescence, je parviens enfin à faire 4 faces, je m’en rappelle encore : la bleue, la verte, la blanche et la jaune. Un sentiment de triomphe que j’ai rarement éprouvé jusqu’alors m’envahit et dévalant les escaliers, je fonce dans la cuisine pour montrer à mes parents quel prodige je suis. Dans ma précipitation, je ne me suis pas couvert et en guise d’applaudissements, je me prends un bon gros savon paternel. Décidément, j’agace tout le monde avec mon jouet.

Quiconque a résolu le cube sait qu’à 4 faces terminées, on n’est pas loin du but. Et de fait, dès le lendemain, l’affaire est entendue : JE SAIS FAIRE LE RUBIK’S CUBE ! Certes ma méthode est bancale : elle fonctionne une fois sur deux mais systématiquement. Soit ça marche du premier coup, soit, si ce n’est pas le cas la deuxième tentative est forcément la bonne.

C’est donc sûr de moi qu’enfin guéri, je retourne au lycée, mon cube en bonne place dans mon sac à dos. À l’exact inverse de mes espérances, c’est une déception immense : tout le monde sait faire le Rubik’s cube et dans la cour de récréation, l’enjeu est passé de la résolution à la vitesse de réalisation du cube. Évidemment avec ma méthode pourrie, je ne suis pas de taille à lutter. Au demeurant je n’en ai pas très envie et à l’image de ma vie, encore une fois, je ne peux partager mon succès avec personne.

Je me permets une petite remarque avant de clore la première partie de cet article. Aujourd’hui avec la publication des solutions sur Internet, l’enjeu du cube n’est plus du tout d’ordre intellectuel mais se résume à des stupides concours de dextérité entre petits singes ayant appris des formules par cœur sans en avoir même compris la logique. Ce qu’est devenu mon merveilleux jouet est réellement navrant. La prime à la connerie comme dit mon copain Paul…

***

Il y a quelques jours, j’écoutais la matinale d’Europe 1. Un peu avant 8 heures, un journaliste « scientifique » proposait une chronique dans laquelle il commentait l’invention d’un japonais qui avait créé un Rubik’s cube qui s’auto-résout. Regardez sur internet, c’est réellement une petite merveille de miniaturisation robotique car le cube a exactement les mêmes dimensions que la création originale. Les servomoteurs permettant les mouvements des faces ainsi qu’une intelligence artificielle – j’ai quelques doutes à ce sujet – sont situés au cœur même du jouet.

Storytelling obligeant, notre digne scoliaste entame donc son récit par un triste épisode de sa jeunesse. Larmoyant, le voilà qui nous explique que le Rubik’s cube représente la plus grosse frustration de sa vie. Que jamais malgré tous ses efforts il n’est parvenu à le terminer. Tout à son histoire il annonce alors :

J’ai bien réussi à faire 4 faces et aussi 5 faces mais jamais je n’ai réussi à faire les 6 faces.

Je ne cache pas que je n’ai pas une haute estime pour les journaleux, surtout pour les chroniqueurs économiques qui passent leur temps à confondre millions et milliards,  se décrédibilisant ex abrupto par leur méconnaissance crasse des ordres de grandeur qui constituent pourtant le fondement de tout raisonnement économique.

Ce matin-là vit encore baisser les journalistes dans mon échelle de respect. Il était très clair que ce crétin n’avait jamais joué au Rubik’s cube de sa vie, tellement il est évident que pour résoudre ce casse-tête il suffit de faire 5 faces, la 6ème étant mécaniquement correcte. Qu’il n’y ait jamais joué est une chose mais qu’il ne possède pas le minime pouvoir d’abstraction l’autorisant à éviter de sortir une pareille connerie me dépasse totalement.

J’ai changé de station.

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Un commentaire sur “RUBIK’S CUBE

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