LE CHEMIN DE LA MER – Chapitre 01

Le vieux Sage et la petite fille

Daël était considéré par tous comme le plus sage de son Ordre. Son regard perçant, son front haut et son sourire malicieux étaient, à n’en pas douter, l’expression d’une grande intelligence. Ceux qui l’avaient côtoyé vantaient sa capacité d’abstraction hors du commun, alliée à un bon sens tout terrien qui trahissait ses origines paysannes. On venait chercher son conseil du Royaume tout entier.

Certains affirmaient même que sa Majesté le Roi Alcar lui-même, sollicitait systématiquement son avis avant toute décision importante. Daël pourtant savait rester modeste car il connaissait trop les pièges de la vanité ; on pouvait le voir arpenter les chemins, toujours humble, le bâton noir d’ébène de son Ordre thaumaturgique à la main, vêtu d’une simple robe et d’un banal chapeau qui, l’un comme l’autre, avaient connu de meilleurs jours.

On prétendait que sa Magie était puissante mais qu’il en était avare. Quelle que soit la situation, il préférait dans un premier temps s’en remettre à son intelligence ; ce n’est qu’en dernier recours qu’il se résignait à faire usage de son Pouvoir. Sa sagacité légendaire incitait beaucoup de petits malins, certains qu’ils étaient de pouvoir le mettre en défaut, à lui poser logogriphe ou charade, devinette ou rébus. Daël se prêtait volontiers à ce jeu, car il aimait que l’on éprouve sa logique et, il faut bien le dire, notre homme était joueur. Personne dans le Royaume n’avait réussi à lui poser une colle, une de ces énigmes qui l’aurait laissé sec car, comme on l’a dit plus haut, l’homme possédait une capacité d’abstraction hors du commun alliée à un bon sens tout terrien. Se fondant sur cette étonnante faculté, certains prétendaient qu’il avait lu tous les livres.

***

Au dessus du village de Val d’Ésire, là-haut dans la montagne, vivait Valentine, une petite morveuse, au museau crasseux, espiègle et   insolente. Fille unique de métayers, élevée au cul des vaches comme on disait, cette gamine d’à peine 10 ans, s’accommodait mal de la vie à la ferme. Pour dire les choses simplement, elle s’ennuyait dur. Bien sûr elle s’acquittait de ses corvées avec résignation, car elle avait le plus grand respect pour ses parents. Sarclage, fauchée, fanage et bien entendu soins et traite des vaches l’occupaient une grande partie de ces interminables journées d’été où le Soleil vous cuit la couenne ; toutefois le jour était long et les clartés de la belle saison lui accordaient parfois un peu de temps libre. Elle s’enfuyait alors vers le Pré aux Limaces, une grande clairière de verdure au bord du précipice. Elle y prenait son goûter, savourant les quelques fraises des bois ou framboises ramassées en chemin. Puis, seule, dans une cabane en planches qu’elle s’était construite au faîte d’un vieux chêne, elle observait l’Ésire aux eaux claires qui serpentait tout en bas. Immanquablement, son esprit vagabond la conduisait bien loin de cette riche vallée. « Qu’y a-t-il au-delà ? » se demandait-elle. Coincée dans un monde trop petit qui l’étouffait, elle s’imaginait visitant de grandes métropoles, gravissant d’autres montagnes, contemplant d’autres paysages… Elle rêvait plus que tout de voir la Mer. Personne n’avait jamais vu la Mer autour d’elle. La musique du mot Mer la laissait rêveuse, tout comme ces appellations mystérieuses qu’elle avait entendues sans les comprendre : dunes de sable, varech, marée haute, déferlante, voiliers… La plus marrante de toutes était sans conteste l’énigmatique « crustacé ». Quel drôle d’animal ça devait être avec un nom pareil. Elle était si triste d’être aussi ignorante que les larmes lui montaient aux yeux. Il faut bien dire, qu’à cette époque, on ne voyageait pas, d’autant moins qu’on était attaché à la terre.  On naissait à la ferme puis on mourait à la ferme. Au demeurant il était plutôt mal vu de voyager. C’était l’occupation des mauvaises gens, les vagabonds, les rôdeurs, les bohémiens…

***

Un matin de la fin Août, la mère de Valentine lui confia 5 sous de cuivre pour aller acheter de la graisse à traire, du sel et des épices au Bourg.

– Ne fais pas la sotte en chemin ! crut-elle bon de préciser, et fait bien attention à ne pas égarer la monnaie !

Valentine, tout heureuse de pouvoir échapper un instant à la monotonie d’une journée ordinaire, ne se fit pas prier. Bien avant que sa mère ait fini ses recommandations, elle gambadait déjà sur le sentier. L’argent des commissions en sécurité bien au fond de la poche de sa blouse, elle se mit à chantonner une comptine au rythme de ses pas légers. Val d’Ésire était bien à trois lieux de la ferme et la pente était rude, surtout au retour, il ne fallait donc pas traîner. Par chance, Valentine connaissait quelques raccourcis à travers champ. Le Soleil tapait déjà fort, la rosée du matin s’était depuis longtemps évaporée. La gamine fit un léger détour par le torrent pour s’y désaltérer. Elle repéra une truite bien grasse qui paressait entre deux eaux, mais l’heure n’était pas à la pêche, il fallait se hâter. La truite serait encore là demain, et Valentine aurait tôt fait de la saisir par les ouïes.

Elle reprit sa route. Il faisait décidemment très lourd, le vent était tombé et le sol vibrait de chaleur. Les sauterelles stridulaient à qui mieux-mieux. Valentine continuait son bonhomme de chemin, insouciante, n’apercevant pas le nuage noir qui se formait très rapidement là-haut, sur le col de la Grosse Perche. D’un coup, le ciel s’assombrit et une bourrasque glaciale la gifla. Le bruit sourd des premières gouttes se fit entendre quand un éclair aveuglant zébra l’horizon. Le tonnerre gronda et fit frissonner Valentine. « Vite, il faut trouver un abri ! » pensa-t-elle. Elle n’était heureusement pas très loin du refuge du Sapin Mort, un peu en contre-bas. Elle courut comme une dératée, glissant sur le chemin qui, par endroits déjà, se transformait en ruisseau. Il fallait à tout prix se mettre vite à couvert.

Les campagnes d’assainissement entreprises par le Roi Alwar, père de l’actuel Roi Alcar, avaient débarrassé la montagne de la plupart de ses dangers ; trolls, orques, gobelins, ours arboricoles, lynx à dents de sabre avaient ainsi été éradiqués. Il restait bien quelques loups, qui s’en prenaient parfois à une brebis égarée mais qui n’attaquaient jamais l’Homme. Toutefois la légende disait que par fort orage, les élémentaires de pierre qui dormaient, cachés au cœur de la montagne, pouvaient être réveillés par le tonnerre ou ses échos ; alors mieux valait ne pas croiser leur route, car leur réveil était terrible. Superstitieuse – au demeurant, qui ne l’était pas à cette époque – Valentine s’imaginait déjà écrasée par une de ces énormes paires de poings rocheux. Elle se hâta d’autant plus et malgré la boue, le vent et la sente glissante, elle parvint bientôt devant la porte massive du Sapin Mort. Sans reprendre son souffle, elle s’engouffra dans l’auberge avec soulagement.

***

Daël se rendait ce jour-là à Rouahnn par le col de la Grosse Perche. Après une bonne nuit dans une agréable auberge de Val d’Ésire et un copieux petit déjeuner, notre homme prit sa route. Le passage du col était très fréquenté en cette saison. Bien avant l’aube, les marchands se précipitaient sur le chemin afin d’obtenir les meilleurs emplacements sur les marchés de la région.  Plus tard dans la matinée, après dissipation des brumes matinales, promeneurs et voyageurs en quête de points de vue envahissaient le passage. C’et pourquoi, afin d’éviter l’affluence, Daël avait fixé son départ à une heure ni trop matinale, ni trop tardive ; grand bien lui en avait pris, il n’allait croiser personne sur la piste. La pente était raide mais le vieux sage était encore vif comme un bouquetin. Il grimpait, ou plutôt survolait le chemin d’un pas alerte. Il faisait déjà chaud pour l’heure, Daël rechercha le côté ombragé du sentier pour continuer son ascension. Il avait prévu une halte à mi-matinée au refuge du Sapin Mort pour se rafraîchir et reprendre quelques forces. Pour avancer longtemps, le bon voyageur sait doser son effort. Tout à coup le ciel s’assombrit. Pourtant fort bon à prédire les changements du temps, il fut surpris par l’orage. Habituellement, en été, il faut attendre la soirée pour que le sol recuit de chaleur expulse son trop plein d’énergie vers le ciel. Il se hâta donc vers le refuge, souriant à l’évocation des élémentaires de pierre qui allaient bientôt surgir, réanimés par les éclats du tonnerre.  En tant qu’érudit, il savait très exactement où se situait la frontière ténue entre Magie et superstition. Il n’avait jamais vu de sa longue vie le moindre élémentaire de pierre et doutait fort de leur existence. Arrivé sur le seuil du Sapin Mort, il ôta son chapeau pour en secouer l’eau et décrotta ses lourds godillots de route sur la lame métallique prévue à cet effet.  Il pénétra enfin dans l’auberge. Dans un coin, une petite merdeuse grelottait près de la cheminée et dans un autre l’aubergiste essuyait des chopes derrière le bar. Les petites lucarnes concédaient une rare lumière avec ce ciel sombre. Seul le feu dans l’âtre amenait un peu de clarté. Il faisait une température agréable et l’odeur de ragoût qui se faufilait de la cuisine était loin d’être désagréable. Daël salua à la ronde et s’installa à une table près du foyer de la cheminée pour se sécher. L’aubergiste, obséquieux, s’empressa vers ce convive de marque.

– Mes respects Daël le Sage, s’exclama-t-il. Ma misérable auberge est honorée de vous recevoir. Que désirez-vous ? J’ai un excellent ragoût de sanglier qui mijote sur la cuisinière. Je peux aussi vous servir de la soupe de pois. Elle est toute fraîche de ce matin.

– Salut à toi, aubergiste. Je prendrai bien un peu de ton ragoût. Sers-moi aussi une bonne chope de bière. Ah, et donne aussi un grand bol de lait chaud à la petite morveuse dans le coin, elle a bien besoin de se réchauffer.

– La morveuse vous remercie Noble Seigneur, se permit Valentine en souriant malicieusement.

– Ne sois pas insolente avec le Grand Daël, hoqueta le gargotier, ou il aura vite fait de te peler le cul !

– Silence, aubergiste. Occupe-toi plutôt de ma commande, dit Daël.

L’aubergiste détala sous le regard sévère du Magicien.

– Je déteste la servilité de ces commerçants, s’expliqua Daël. Quant à toi, jeune fille, tu as la langue bien pendue pour une personne de ton âge. Si tu n’étais pas si minuscule, j’aurais eu vite fait de te punir de ton insolence. Visiblement tu ne fais pas partie de la famille de cette crapule d’hôtelier. Que fais-tu perdue en pleine montagne ?

– Je descendais vers Val d’Ésire quand l’orage m’a surprise. Je vais faire des commissions pour la ferme là-haut. De la graisse à traire pour masser les pis des vaches, du sel et des épices, pour relever un peu les plats et pour la préparation des fromages…

L’interrompant l’aubergiste diligent revint les bras chargés. Il posa la bière et le ragoût devant un Daël satisfait. Valentine s’empara du bol de lait et retourna s’asseoir près du feu. Dehors la pluie s’était transformée en grêle, le tonnerre redoublait d’ardeur et le ciel s’était encore assombri. Outre la lumière intermittente des éclairs, seule la flambée dans la cheminée donnait encore un peu d’éclairage à la pièce. On se serait cru à une veillée mortuaire. Cette pensée fit frissonner Valentine, qui se rapprocha encore un peu du rougeoiement des braises. Le temps s’étirait, ponctué par les claquements de fourchettes du vieux magicien et les beaucoup plus effrayants craquements du tonnerre.

– Tonnerre d’Août, belle vendange et bon moût, se signa l’aubergiste.

– Imbécile, pesta Daël. La grêle aura tôt fait de détruire toutes les grappes. Vraiment ces dictons idiots m’insupportent. Va plutôt me tirer une autre pinte de bière avant que je m’énerve pour de bon !

– Oui, Monseigneur !

Le temps se distendait mollement et l’orage ne semblait jamais vouloir finir. Le Mage était venu à bout de son ragoût et de ses bières. Il tapotait machinalement sur la table en chêne. De son côté, Valentine à présent sèche, regardait le feu comme hypnotisée. Assis au bar, l’aubergiste rêvassait en chantonnant. L’ennui pointa son nez ; et comme chacun le sait l’ennui est le plus grand créateur de distractions. Ne dit-on pas que les jeux de l’esprit, les jeux de cartes, la littérature et l’Amour sont les rejetons de l’ennui ?

– Excusez mon audace Maître Daël, s’exclama l’aubergiste, mais c’est le désœuvrement qui parle pour moi. Vous êtes connu de par le Monde pour être un amateur éclairé d’énigmes et de devinette. Pourrais-je avoir l’honneur de vous en proposer une que m’a racontée mon beau-frère la semaine passée ?

– Pourquoi pas mon ami ? Mais comme tu l’ignores sans doute, je ne joue aux jeux de l’esprit que si ceux-ci sont intéressés. Qu’ai-je à gagner si je trouve ton énigme et qu’ai-je à y perdre dans le cas contraire ?

– Si vous la trouvez, je vous offrirai votre repas Messire.

– Je te préviens, mon ami, je ne suis pas facile à battre à ce jeu. Je connais des milliers d’énigmes et j’en ai créé des centaines. Je suis un redoutable adversaire.

– Pour que le marché soit juste, déséquilibrons les mises, proposa le tavernier. Si vous ne trouvez pas ma devinette, vous me devrez 100 fois le prix du repas, soit 200 sous de cuivre. 2 sous d’argent en somme. Cela vous paraît-il approprié ?

Daël, se grattant la barbe réfléchit un instant.

– Cela me convient ! Allons-y ! Pose ta devinette.

– Une toute petite précision sur la règle du jeu : il est entendu que vous n’utiliserez pas votre télépathie mon Maître ?

– C’est quoi une télépathie ? demanda Valentine.

– L’art de lire dans les pensées des autres, petite sotte, dit le restaurateur. Alors, Maître Daël ?

– Je te promets que je n’utiliserai pas la télépathie. Au demeurant, si tu connaissais mon Ordre thaumaturgique tu saurais que cette pratique ne fait pas partie de nos pouvoirs. Je suis sûr que tu as un sablier ou une clepsydre pour mesurer le temps de cuisson de tes gâteaux ? Va les chercher. Tu comprends bien qu’on doit limiter le temps de réflexion pour que ce jeu reste amusant. 10 minutes par énigme ?

Le cabaretier courut vers la cuisine et en revint avec un sablier en cristal de roche, un très bel objet, un peu déplacé dans un décor si rudimentaire.

– Tout est prêt ? J’ai hâte d’entendre ton énigme.

Le tavernier prit un regard matois et lança :

“Si on fait sa mesure de bout en bout,

Quelle longueur a la moitié d’un tout ?”

– Facile, répondit Daël. Je crois que tu viens de perdre une partie de ton chiffre d’affaire, mon ami. Même si cette énigme est un peu tirée par les cheveux, je la trouve toujours amusante. La réponse est simple. Si le tout est de s’y mettre, alors la moitié d’un tout doit bien mesurer 6 mètres divisés par 2. La réponse est donc 3 mètres.

– Vous êtes effectivement très fort, votre Seigneurie. J’accepte ma défaite avec bonne grâce.

Son expression démontrait le contraire.

– On continue à jouer, l’ami ?

– Non ! Mon Maître est trop fort, je réalise à l’instant mon impudence.

– Moi je veux jouer, cria Valentine.

L’aubergiste éclata de rire et s’emporta :

– Quoi, petite morveuse ? Tu oses défier le Grand Daël. Pour qui te prends-tu ? Tu n’as pas écouté, tu n’as aucune chance.  De plus le Grand Sage ne joue aux jeux de l’esprit qu’avec des mises. Qu’as-tu à parier qui en vaille la peine ?

– Laisse-là tranquille, dit Daël. Si elle veut perdre l’argent de ses commissions, c’est son problème.

En disant cela, Daël espérait que la gamine renoncerait à son projet, car de son côté, il se savait trop joueur pour refuser la confrontation, aussi ridicule soit elle. La perspective de la punition qui l’attendait pour avoir perdu l’argent de la ferme, ne dissuada pourtant pas Valentine. Cette mouflette était décidément culottée.

– Je veux jouer. Si je perds je vous donnerai un sou en cuivre.

– Très bien alors, je vois que tu as confiance en toi, petite. Alors changeons légèrement les règles du jeu. On se pose des énigmes chacun son tour. Celui qui ne sait pas répondre paye le prix convenu, pour une énigme trouvée pas de pénalité pour celui qui l’a posée. Je suis d’accord avec ton prix de départ, un sou si tu ne trouves pas une de mes énigmes. Ça devrait te permettre de jouer 5 fois, n’est-ce pas ? Que voudrais-tu au cas où ce serait moi qui ne saurais répondre ?

Valentine n’eut pas longtemps à réfléchir.

– Je veux que vous m’emmeniez voir la Mer !

– La Mer ? Tu veux m’encombrer sur plus de 3000 lieues, à geindre et piailler ? Ce voyage n’est pas fait pour les fillettes. Tu ne nous attirerais que des ennuis. T’emmener à la Mer et puis quoi encore ?

Valentine ne perçut pas l’ironie du Mage et proposa :

– En plus, je veux que vous me preniez comme apprentie Mage.

– Celle-là elle est bien bonne. Tu es une fille. Seuls les garçons sont autorisés à pratiquer la Magie. Tout le monde sait ça. De plus si je prenais un apprenti, j’en choisirais un qui a fait les Classes Préparatoires aux Ecoles de Magie, au minimum, pas un ignare ou un illettré.

– Que risquez-vous ? Après tout vous êtes le Grand et Incollable Daël. Moi, je ne suis qu’une petite morveuse.

Touché au vif dans son orgueil, Daël répondit :

– Bon très bien finissons-en ! Si tu perds tu me donnes un sou de cuivre, si je perds, je t’emmène à la Mer et je t’apprends la Magie de mon Ordre. Assez perdu de temps : je commence. Une pas trop difficile pour le début. Tavernier, tu t’occupes du sablier !

“Un soir je nais grande et lisse,

Lorsque je vis, je rapetisse,

Je meurs petite et sans artifice.”  

Valentine réfléchit mais ne trouva pas de réponse, les dix minutes s’écoulèrent inexorablement.  Dehors la pluie tombait toujours très fort. Valentine attendit la dernière seconde pour s’avouer vaincue.

– Je ne sais pas ! Voilà un sou de cuivre.

– Pourtant ce n’était pas bien difficile, la réponse est une chandelle. Bon allez, à toi !

Valentine hésita. Elle réalisa qu’elle ne connaissait pas tant de devinettes que ça. Trop tard pour avoir des regrets, elle se lança :

“Quel animal a quatre pattes le matin, deux pattes le midi et trois pattes le soir ?”

– Tu pensais vraiment que je ne connaissais pas l’énigme du Sphinx, ricana Daël. La réponse est l’Homme. Vraiment trop facile. A mon tour !

“Par des linguistes fort savants,

Ou des acteurs très éloquents,

Je suis toujours prononcé mal,

Bien que d’un emploi très banal.”

Valentine dut à nouveau s’avouer vaincue au bout des 10 minutes réglementaires.

– Je ne sais pas ! Voilà un sou de cuivre.

– Ce n’est pourtant pas bien dur non plus. La réponse est « mal », le mot « mal » !

Valentine, très contrariée de voir l’argent des commissions s’envoler, réfléchit un instant puis proposa :

“Quel animal a quatre pattes le matin, aucune patte le midi et mille pattes le soir ?”   

Daël sourit comme s’il connaissait la réponse, mais en réalité, il n’avait jamais entendu cette devinette. Le sablier comptait le temps un peu trop vite à son goût et pas le début de la moindre idée ne germait dans son cerveau. Le regard de l’aubergiste allait de l’un à l’autre des protagonistes de ce duel. D’un côté le Sage qui séchait lamentablement et fronçait les sourcils, de l’autre la petite morveuse qui restait impassible. La pluie cessa et un rayon de soleil fit son entrée dans l’auberge. A ce moment précis le dernier grain de sable tomba dans le bulbe inférieur du sablier. Le vieux Mage, agacé, se déclara battu sur un ton crispé :

– Très bien tu as gagné ! Je jure solennellement que je t’emmènerai voir la Mer et que je t’enseignerai le difficile art de la Magie, si tu développes quelque aptitude. Bon dis-moi, maintenant, quelle est la réponse de ton énigme ?

– Je ne sais pas ! Voilà un sou de cuivre.

Daël prit l’expression de celui qui s’est fait chier sur la tête par un nuage d’étourneaux. Il devint rouge comme une pivoine, prêt à laisser éclater sa colère ; finalement, il poussa un long soupir et manquant s’étouffer, partit dans un fou rire si violent qu’il en bascula cul par-dessus tête. La petite morveuse lui avait botté le cul et il trouvait ça désopilant. Daël était beau joueur.

***

C’est ainsi que la petite Valentine vit la Mer et fut l’apprentie de Daël. Elle devint par la suite Dame Valentine, la première Femme-Magicien. Elle s’est fait connaître en unifiant les 9 Ordres de la Magie sous son autorité et en y imposant la mixité. On considère de nos jours que c’est la toute première féministe de l’Histoire et que son combat pour l’égalité des sexes a été un premier pas vers l’émancipation de la femme. Elle était, paraît-il, pleine d’humour…

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Un commentaire sur “LE CHEMIN DE LA MER – Chapitre 01

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  1. Bonsoir, excusez-moi je ne voudrais pas déranger. Une coccinelle s’est portée sur ma fenêtre et je crois qu’elle a volé ensuite jusque votre blog. L’avez-vous vue ? J’avis une question à lui poser. Bonne soirée !

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par Anders Noren.

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