Impasse
« J’ai décidé, pour casser les codes, de placer la citation d’auteur en fin de chapitre. »
L’auteur
Le Doigt Invisible
Dans la rue, le vent léger de cette fin d’été me rend mes esprits, tout en douceur.
Je marche aux côtés de Paul et je ne suis pas très fier de moi. Il y a dix minutes, j’étais le plus grand philosophe de tous les temps et maintenant dégrisé, je me rends compte de la misère de ma pensée. Les gens sont ignorants et arrogants, tu parles. On ne va pas sauver le Monde avec ça. Pourtant sur le moment, l’idée m’a parue géniale, universellement sublime. Il faudra que je demande à Paul le 06 de son dealer.
Nous avons décidé d’aller boire un petit café en terrasse pour profiter des derniers beaux jours et aérer un peu nos méninges. Suite à l’incident d’hier soir, nous évitons les « Amis de Verlaine » et nous rendons plutôt aux « Compagnons de Bukowski ». Ça tombe bien, la terrasse est déserte et nous pouvons nous installer tranquillement à notre aise.
— Ca y est le Penseur, tu as retrouvé ton cerveau ? se moque Paul.
— Ca va un peu mieux, mais je suis contrarié.
— Par quoi, Ray ?
— Depuis, hier soir, je n’arrête pas de me poser des questions, à cause de toi et Marc. Vous êtes tous les deux au chômage depuis un bail…
Le serveur m’interrompt.
— Oui, Bonjour ! Deux cafés et deux verres d’eau, s’il vous plaît ! Merci ! Ce qui m’inquiète le plus, enchaîné-je, c’est que, bien que vous soyez tous les deux d’excellents professionnels, non seulement vous ne trouvez pas de travail, mais plus votre inactivité dure, plus vous vous sentez coupables de ne pas en trouver. Marc se punit à coups d’alcool et toi tu fumes des pétards en te demandant si tu es un monstre. Vous devenez de jour en jour la pub vivante du vieil adage qui postule qu’oisiveté est mère de tous les vices. Vous donnez raison à ces cafards moralistes, probablement rentiers, qui affirment que l’absence d’activité conduit fatalement l’Homme, et particulièrement l’Homme pauvre, donc peu cultivé, vers le désœuvrement et la perversion.
— Tu es un peu méchant, Ray, ce n’est pas notre faute si…
— Je sais bien que ce n’est pas ta faute, Paul. C’est tout le contraire. Le chômage n’a jamais été aussi élevé et pourtant la pression sociale sur ceux qui ne bossent pas n’a jamais été aussi forte, crise oblige. Pour t’en sortir, il faut d’abord que tu arrêtes de culpabiliser. C’est ça qui te fait plonger dans la déprime. Ce sentiment insidieux, qui grossit de jour en jour dans ta cervelle, cette impression de n’être plus utile à la Société, de n’avoir plus de but dans la vie, de ne plus croire en tes compétences, en toi… Tu es toujours un très bon informaticien, Paul, je te le jure. Pourtant, ceux qui sont aux manettes de ce pays, et pas seulement les politiques, veulent t’amener à penser le contraire. Si tu ne trouves pas de travail, ce n’est pas de leur responsabilité, c’est parce que tu es inadapté au marché du travail. Je te raconte l’histoire. Au début de ton inactivité, tu n’as pas d’état d’âme à avoir, ton CV est un très beau CV. Le temps passe, quelques mois de chômage déjà, mais tout va bien ; et un jour, Pôle Emploi, qui ne t’a pas envoyé une seule offre de job depuis que tu es inscrit, te contacte. Ils te proposent une formation pour t’aider à rédiger ton CV, sous peine de radiation.
— C’est vrai, ce que tu dis, Ray, j’en ai subi une l’année dernière. C’était au mois de Décembre, alors je me suis dit qu’ils voulaient probablement fourguer leurs budgets avant la fin de l’année. J’ai pris ça pour un foutage de gueule, car les CV, avec plus de 20 ans d’expérience, je savais faire. Alors leur formation d’une semaine, 7 heures par jour, ne me servait vraiment pas à grand chose, d’autant plus qu’avec internet, les modèles de CV et les conseils de rédaction, ce n’est pas ce qui manque. Je me suis dit qu’il y avait plein de types qui en auraient bien plus besoin que moi, des débutants ou des non-diplômés par exemple ; mais bon la menace de radiation a fait qu’à contrecœur, je m’y suis rendu. J’ai eu peur quoi ! Je ne te raconte pas à quel point je me suis fait chier…
— Non, ne me raconte pas. Je sais de quoi tu parles, il m’est arrivé exactement la même chose ; et contraint, comme toi, j’ai accepté la formation aussi. Tu as 45 ans, tu es ingénieur, tu as plus de 20 années d’expérience, tu as fait 8 boîtes, c’est très bien ; mais ton problème selon Pôle Emploi, c’est que tu ne sais pas rédiger un CV. À ce stade là du ridicule, le ver est dans le fruit, tu ne doutes pas encore beaucoup de toi-même mais tu trouves l’affaire un peu humiliante. Pas vrai ?
— Tu m’étonnes, opine-t-il. Surtout le chantage à la radiation…
— Et ce n’est pas fini. Après la formation, ça continue. Tu reçois des invitations pour apprendre l’art de l’entretien, le traitement de texte, le paramétrage de Viadeo, l’utilisation des réseaux sociaux… Uniquement des formations pour lesquelles tu es peut-être bien plus compétent que le formateur. Et enfin arrive, le truc qui va t’achever : une offre d’emploi pour débutant commençant par une formation de 6 mois non rémunérée, dans un métier qui n’a rien à voir avec le tien. Un truc à la con, genre devenir agent général pour un assureur ou devenir le franchisé d’une marque de pompes funèbres.
— Parcours presqu’identique pour moi, assure Paul. Le stage était de 9 mois. Une belle arnaque…
— À ce moment là, tu commences à te dire qu’il y a un problème. Tu réactives ton réseau dont tu n’as plus de nouvelles depuis un moment déjà. Tu te mets à rappeler, un peu trop fébrilement peut-être, tes relations et tes contacts. Ils t’affirment tous qu’ils t’aiment infiniment, toi et ton CV, que le marché est difficile en ce moment, que s’ils voient quelque chose, ils penseront à toi en premier. Tu attends. Parfois, même, tu y crois ; mais personne ne revient vers toi. Le doute est bien installé maintenant. Tu pestes d’abord contre ces connards de Pôle Emploi, une belle bande de branleurs et d’incapables. Finalement tu te dis que c’est peut-être bien toi le branleur, qu’au fond tu ne vaux pas grand chose, que ton expérience, ton savoir-faire, ton sens inné du management, tes diplômes et ton remarquable esprit de synthèse ne sont que du vent, un ramassis de merde avec lequel les recruteurs se torchent en te narguant. C’est fini, le doute s’est installé définitivement. À moins que tu retrouves un boulot par hasard.
— Ton analyse est tout à fait exacte. C’est mot pour mot la genèse de mon chômage. Tu devrais écrire un bouquin, je le lirai… Pour une fois que ça parle de moi, plaisante-t-il. Mais alors explique-moi une chose, comment on fait pour ne pas se sentir comme une merde ? Comment tu fais toi, pour ne pas culpabiliser ?
— Ce n’est pas si simple. J’ai mes périodes de doute aussi ; mais j’ai un gros avantage sur toi : le soutien de Séverine, qui jamais, ne me fait « sentir comme une merde », pour te citer. C’est un bon point de départ. Je possède aussi un très bon moyen de relativiser, une sorte d’excuse toute prête à laquelle je me raccroche quand je commence à déprimer.
— Quoi donc ? s’enquiert-il. Tu ne m’en as jamais parlé.
— Jusqu’à présent, nous n’avions abordé le sujet de l’emploi que très superficiellement ; je n’ai jamais eu l’occasion de rentrer dans ce genre de détail. Bref, quand, j’étais étudiant en 1991 ou 1992, j’ai suivi un module de sociologie qui exigeait la remise d’un mémoire. Comme je trouvais ça drôle et effrayant à la fois, j’ai choisi parmi les sujets proposés : « Après 2 ans, les stages d’insertion professionnelle ont-ils un impact sur l’insertion professionnelle des jeunes ? ». Ca fait peur, non ? Pour m’aider dans cette entreprise, j’ai pu travailler main dans la main avec une dame charmante, chercheuse au Centre d’Etudes et de REcherches sur les Qualifications, le CEREQ[1]. M’appuyant sur leurs données exhaustives ou presque et aidé grandement sur la partie mathématique et méthodologique par la très compétente chercheuse, dont j’ai oublié le nom[2], j’obtins bientôt le résultat tant attendu. Les stages d’insertion n’avaient aucun impact sur l’insertion professionnelle des jeunes. Bonne nouvelle, ils n’avaient pas d’impact négatif, c’était déjà ça. Le corolaire non énoncé dans mon mémoire, étant que tout le fric déboursé par les contribuables dans ce gadget ne servait absolument à rien.
— Sans déconner ? s’étonne-t-il.
Je comprends la surprise de Paul, moi-même à l’époque, j’avais été estomaqué. Pas la charmante chercheuse, dont le nom ne me revient toujours pas. J’étais bien naïf en ce temps là, jeune aussi.
— Véridique, certifié-je. Le CEREQ est un organisme public, alors fatalement le résultat de leurs études est connu de nos gouvernants, vu que ce sont eux qui en passent commande. Alors tu comprends, chaque fois que j’entends un Ministre annoncer de nouveaux contrats aidés, d’avenir, de génération, d’adaptation, de professionnalisation, d’emploi consolidé, d’orientation, d’initiative, de qualification[3], ça me fait rire ; ou pleurer, ça dépend de mon humeur. Idem, les formations Pôle Emploi. Le plus navrant, c’est que nos politiques claquent et continuent de claquer des milliards pour ces conneries en toute connaissance de cause. Ils savent très bien que ça ne sert à rien, tout au plus à faire baisser les statistiques du chômage pendant la durée du contrat aidé[4] ; ce qui d’un point de vue tactique peut s’avérer avantageux, si on planifie la fin desdits contrats après l’élection. Au fait, je me suis trompé, le plus navrant, c’est que tout le monde sait que ça sert à que dalle, il suffit de regarder le chômage des jeunes pour s’en convaincre.
— Mais pourquoi, alors ?
— Je crois que la réponse est très simple, bien que je n’aie guère plus d’éléments que le précédent pour la démontrer. Il n’y a plus de travail ; mais personne n’ose l’avouer. C’est un secret de Polichinelle. En faisant ton credo de ce postulat, tu pourras rire des formations et offres d’emploi de merde de Pôle Emploi, t’amuser des gesticulations des cyniques qui nous gouvernent, supporter le regard accusateur de ceux qui pensent que tu es responsable de la crise et plus que tout, ma Poule, arrêter de te remettre en question. Tu es un mec super. Toi, tu es le gentil, les méchants c’est eux. Les laisse pas t’avoir.
— Je comprends ton raisonnement Ray, et je suis conscient de sa valeur en tant qu’exutoire ; mais excuse-moi d’être franc avec toi, ça ne fait que 40 ans qu’on se connaît après tout, ton truc c’est bien gentil, mais tu as un peu négligé l’aspect financement du miam. Faut bien manger, non ? Tu penses comme un banquier qui a raflé la mise et dont la femme gagne sa vie de surcroît. Pour ma part, je peux te dire, j’ai déjà attaqué mes économies depuis six mois et bientôt je vais tirer la langue. Et en ce qui concerne Marc, ça devient dramatique, tu le sais bien. Pour Christian, je ne sais pas trop…
— T’attarde pas aux racontars, ma Poule ! De l’argent j’en ai gagné beaucoup, c’est vrai, mais j’en ai dépensé beaucoup aussi, pour des conneries souvent. Je n’ai plus beaucoup d’économies. Mon gestionnaire au Crédit Rural et Citadin me fait la gueule, car j’ai fermé tous mes comptes épargne. Ma femme de son côté est fonctionnaire, ce n’est pas Byzance non plus. Sous peu on risque de se retrouver à poil, Séverine et moi. Quand tu rentres plus de fric, le crédit est vite épuisé. Si ce jour arrive, peut-être que j’irai crever à petit feu sur une aération du métro pour avoir un peu d’air chaud en hiver ou peut-être que j’irai nettoyer des chiottes au black à 5 Euros de l’heure, si j’ai encore envie de m’accrocher à la vie. J’ai déjà passé en revue les scénarios de ce genre, et je suis bien d’accord avec toi, le pognon est le nerf de la guerre dans cette histoire, banquier ou pas banquier. L’emploi devient de plus en plus précaire et on nous fait croire que nous sommes inadaptés au monde du travail. On exige des Bac+5 pour ramasser les poubelles en CDD à quart temps : logique, celui qui conduit le camion est polytechnicien. Hors népotisme, les critères de sélection à l’embauche deviennent de plus en plus irréalistes. C’est l’inflation de la qualification pour des métiers qui n’ont jamais changé et qu’on apprenait jadis sur le tas. La bataille pour le bifteck atteint les sommets de l’absurde. Au final, pour continuer à bouffer, on va tous finir par accepter n’importe quel boulot, à n’importe quel prix, diplômés ou non, expérimentés ou non. Ce qui arrange bien, sans tomber dans la paranoïa, ceux qui moissonnent toujours plus d’oseille sur notre dos. Les Ricains, peut-être ? Va savoir ! Je ne suis pas sûr qu’entre potes, on ait vraiment les moyens de leur déclarer la guerre à ces gros pourris, ni même qu’une victoire serait la fin de nos soucis. Je me creuse les méninges depuis hier soir et tout ce que j’ai réussi à recueillir, outre une bonne cuite et un léger dérapage neuronal, ce sont des idées tellement banales qu’elles me donnent envie de chialer. Je résume, il n’y a plus de travail parce que d’une part, on automatise toute la production et qu’on la délocalise dans des pays où on ne paye pas les ouvriers, d’autre part, les gens sont infiniment ignorants et pourtant toujours arrogants. On peut rajouter à ça quelques digressions creuses sur l’esprit et la lettre, le nomadisme, l’exploitation électoraliste des minorités et la propagande US à travers les séries. Rien de bien fameux, ni de bien nouveau. Je n’ai ni l’intelligence, ni les moyens de nous secourir. C’est l’impasse.
— Tu as raison, corrobore Paul. Au bout de presque trois chapitres, le lecteur doit commencer à s’ennuyer de ton baratin qui ne mène à rien. Si on allait plutôt rendre une petite visite à Christian. Il est prof d’économie, c’est un pro. Peut-être qu’il aura de bonnes idées, lui.
***
La sœur aînée de Christian, qui a épousé un riche avocat, lui prête un gigantesque loft, près des voies de chemin de fer de Montparnasse. Christian l’appelle « sa Tanière ». Le visiteur non averti pourra se sentir quelque peu dérouté par la géographie des lieux. Dans la pièce principale, au milieu de piles de journaux et de bouquins qui s’amoncellent en un joyeux bordel, il a installé un petit campement qu’il a baptisé « son Bureau ». Pour y accéder, mieux vaut se munir d’une carte d’État-major et d’une lampe de poche. Gourdes et rations de survie ne sont pas superflues pour une première exploration. Des cendriers débordants de mégots, des plantes vertes mortes de soif, des verres à moitié pleins, des bouteilles à moitié vides trônent, précaires, sur des édifices branlants de revues couvertes de poussière. Il fait très sombre. Les grandes baies vitrées n’ont pas vu de chiffon depuis 1989 et de ce fait ignorent tout des joies de la microfibre – quand elle est passée d’une main experte. Aussi loin que le regard peut porter, c’est à dire pas très loin, des collections de livres et de cahiers s’élevant à hauteur d’homme et parfois beaucoup plus haut, forment un inextricable labyrinthe qui risque à tout instant de se refermer sur vous ou de vous tomber sur le coin du museau. Il est par ailleurs impossible, dans ce capharnaüm, de se diriger à la voie de Christian. Quand il s’exclame comme à son habitude : « Entre, viens me rejoindre, je suis dans mon Bureau ! », la réverbération du son trompe l’ouïe la plus exercée et conduit irrémédiablement dans un cul-de-sac. Ceux qui finalement sont arrivés à bon port, ont tous été surpris par l’ascétisme quasi monacal du Bureau de Christian. Au centre du dédale se dresse une table de cuisine en formica bleu maya, ornée d’un ordinateur portable, d’un cahier, d’un cendrier Heineken[5] et d’une lampe de bureau IKEA[6] au design incroyablement ergonomique, probablement une magnifique UPPBO, à moins que ce ne soit une fabuleuse JANSJÖ, j’ai un doute. Quatre chaises dépareillées, une corbeille et un petit frigo garni de bières complètent le décor. C’est minuscule. Au cœur sombre de cet enchevêtrement concentrique de papier, on se sent très vite étouffer, sensation encore accrue par l’odeur de poussière et de moisissure. Une tanière.
Le contraste entre le Bureau et son occupant est confondant. A ce stade, plutôt qu’à m’embarquer dans une pâle caricature de Christian, je préfère vous le décrire par analogie de portraits. Imaginez donc Christian comme un compromis subtil entre Madame Doubtfire et Divine[7]. Si toutefois, ma note de bas de page ne suffit pas à vous donner une idée précise, n’hésitez pas à regarder des photos sur Internet. Personnellement, je ne peux guère faire mieux, car je mentirais alors si je disais que Christian est indescriptible. Voilà maintenant plus de dix ans qu’il se travestit. Au début, ça nous a beaucoup surpris, mes amis et moi. Sans vouloir être blessants, nous trouvions ça ridicule. Nous voulions à tout prix chercher à comprendre. Avec le temps nous nous sommes habitués et les rapports se sont harmonisés autour de ce nouvel état de fait : comme l’onde se dissipe sur le lac quand le caillou a fini de ricocher[8]. Ce fut d’autant plus facile, qu’en dehors de ses tenues féminines extravagantes, ses escarpins dorés, ses perruques, ses bagues, ses boucles d’oreilles, ses colliers, ses bracelets, ses faux-cils, son maquillage pompier et ses faux ongles, Christian n’a absolument pas changé. Sa voix n’est pas montée dans les aigus, ses manières sont restées masculines et sa pilosité à l’avenant. À une occasion, sans malice, Marc lui a demandé s’il souhaitait qu’on l’appelle Christina désormais. Christian offusqué s’était mis dans une rage noire, insultant le pauvre Marc qui pensait par cette anodine question montrer sa largeur d’esprit. La dispute s’était éternisée, chacun campant sur ses positions. Je ne suis pas une gonzesse, pour l’un, je ne pensais pas à mal, pour l’autre. La conclusion que j’en ai tirée est que Christian ne joue pas les femmes, c’est juste un homme déguisé en nana. Pour une raison que j’ignore. Peut-être n’y en a-t-il aucune.
De son loft nous ne connaissons que la grande pièce au rez-de-chaussée, la cuisine et les gogues attenants. Il ne nous a jamais montré ni sa chambre ni sa salle de bain, devenus conséquemment objets de nombreux fantasmes. Thème : rose Barbie ou noir donjon ? Décoration : indigente comme son Bureau ou exubérante comme ses tenues ? Nous nous sommes aussi beaucoup interrogés sur son orientation sexuelle. Jeunes, nous lui avons connu trois ou quatre fiancées, de jolies petites gamines sympathiques. Depuis, rien, aucun indice. Il ne parle jamais de sexe et nous ne l’avons jamais surpris en compagnie de qui que ce soit. De nous quatre, c’est le plus mystérieux, le plus malheureux peut-être.
***
Paul paye les cafés car comme j’ai dormi chez lui, je n’ai toujours pas de cash.
— Putain, 6 Euros les 2 cafés, il se fait pas chier Bukowski, tempête-t-il.
Je ne relève pas. J’en ai assez de me lancer dans des diatribes rageuses. Les chiffres de l’inflation sont bidonnés : no comment.
J’embrasse Paul et regagne mes pénates, un peu fatigué. Nous avons convenu d’un rendez-vous chez Christian à 9 heures demain matin. Marc aussi sera présent pour le conseil de guerre. Tout le monde est chaud comme un charbon ardent. De mon côté, je ne me fais pas trop d’illusion. Des gens bien plus intelligents que nous ont déjà dû réfléchir à ce sujet, on n’en est toujours sans nouvelles. Ce sera au moins l’occasion de s’amuser entre potes. J’arrive dans le hall de mon immeuble. La boîte aux lettres est pleine de prospectus, mais ouf pas de facture. La soirée sera peut-être bonne.
« Les hommes ne voient la nécessité que dans la crise. »
Jean MONNET
[1] Organisme Public qui mène études et recherches autour du thème du travail : marché de l’emploi, qualifications, diplômes, formations…
[2] Désolé ! J’ai trouvé notre travail passionnant.
[3] Tous ces contrats existent. Ils ne sortent pas de mon imagination.
[4] Les bénéficiaires d’un contrat aidé sont considérés comme demandeurs d’emploi de catégorie E et donc non comptabilisés dans le total des chômeurs.
[5] N’ayant toujours pas reçu de chèque de la part de Ricard, c’est décidé je change de sponsor.
[6] Je ratisse large.
[7] Célèbre Drag queen américain, égérie de John Waters.
[8] C’est beau. On dirait une citation de David Carradine dans Kung Fu
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