JE SUIS UN PEU EN COLÈRE III

Produit intérieur brut

 

Ce qui est triste tellement je suis abruti par mon quotidien, c’est que rien ne m’a vraiment choqué quand le Royaume-Uni a intégré le trafic de drogues[1] dans le calcul de son Produit Intérieur Brut[2], bientôt suivi en ce sens par la France.

Il est vrai qu’on crée beaucoup de valeur ajoutée en achetant un kilogramme de cocaïne, en la coupant avec du laxatif pour bébé puis en la vendant au détail à la sortie des écoles ; donc pourquoi se priverait-on de ce chiffre d’affaire dans une comptabilité nationale, surtout si celle-ci n’est guère reluisante. Si l’on va par là pourquoi, vu sous l’angle de l’offre de biens de consommation, n’y ajoute-t-on pas le trafic d’armes qui doit bien générer quelques points de croissance et quitte à aller jusqu’au bout, pourquoi pas la traite des enfants, des hommes et des femmes pour les filières d’esclavage, de prostitution[3] et de pédophilie.  En continuant le raisonnement, pourquoi pas le  commerce illégal d’animaux en voie d’extinction ou utilisés pour se livrer à des combats clandestins ? Et encore, on pourrait y rajouter, la corne de rhinocéros, la défense d’éléphant et les peaux de tigres tant qu’on y est. Si on doit racler les fonds de tiroir, je propose aussi l’ajout dans l’assiette la contrebande de cadavres pour les nécrophiles, la production et la diffusion de snuff movies pour les psychopathes. Je pourrais continuer cette énumération toute la nuit tellement il y a de pratiques illégales et dégueulasses qu’on pourrait comptabiliser comme source de PIB et donc de croissance.

Ce qui est désespérant, c’est qu’intégrer le trafic de drogues dans le calcul du Produit Intérieur Brut correspond à une demande – une exigence – de l’office européen Eurostat en vue d’harmoniser les comptabilités nationales des États Membres de l’Union Européennes. Ce qui est encore plus ignoble c’est qu’une méthodologie d’estimation très détaillée de ce trafic a été proposée, fondée notamment sur le prix du gramme de cocaïne « dans la rue » corrigé de sa qualité et des coûts de stockage et de transport que doivent supporter les dealers ; sans préciser toutefois comment prendre en compte le coût des morts et des blessés inévitables des guerres de gangs – tout aussi inévitables – et sans évoquer le malheur des vraies victimes de la drogue et son coût pour la collectivité.

Le cynisme économique n’a vraiment aucune limite. Je vous l’accorde, la cigarette et l’alcool – diffusés par les circuits légaux – font des millions de victimes de par le monde chaque année  et les fruits de leur négoce sont bien comptabilisés comme richesse dans les comptes des nations. Est-ce une raison pour faire fi du mur symbolique de la légalité en laissant entrer le commerce abject des drogues dures dans nos comptes officiels, alors même que le travail au noir qui soi-disant représente environ 10 % du PIB n’y est pas autorisé ? Serait-il plus illégal de refaire la plomberie de son voisin sans le déclarer au fisc[4] que de vendre de l’héroïne à des gamins[5] ?

Quand on sait comment le PIB est calculé on peut se demander, à part pour quelques effets d’annonce à quoi tout ce cinéma peut bien servir. Avec la méthode de calcul actuelle, on pourrait tout aussi bien payer une armée pour creuser un tunnel et une autre armée pour le reboucher que cela créerait dix fois plus de Produit Intérieur Brut que le trafic de drogues dans son ensemble. On peut donc raisonnablement s’interroger sur le sens de ce chiffre d’autant plus qu’il ne reflète en rien l’utilité de ce qu’il devrait représenter. C’est bien pourtant ce chiffre que nos politiques s’évertuent à défendre comme si cela représentait un idéal de bonheur pour leurs citoyens.

Je suis un peu en colère !


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Je suis un peu en colère II

Je suis un peu en colère I

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[1] D’alcool et de cigarettes

[2] Le PIB ex Produit National Brut (le PNB)

[3] La prostitution est déjà intégrée au calcul du PIB et pour éviter toute forme de malentendu, la prostitution est une forme d’esclavage.

[4] Je grossis le trait volontairement.

[5] Sans le déclarer au fisc non plus 🙂

2 commentaires sur “JE SUIS UN PEU EN COLÈRE III

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par Anders Noren.

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